Un concept, une idée
Qui n’obtient sa forme matérielle
Que par les lettres
Qu’on lui a assignées.
Mais hors du récipient linguistique
Des concepts abstraits,
Elle s’habille dans toutes les couleurs
Qui naissent et qui meurent
Selon le spectateur.
Nos fragments de conceptions
Se lancent dans une danse fragile
Avec les lettres qui leur donnent
Une forme solide et durable,
Une signification objective
Pour des perceptions subjectives.
Ainsi le sourire des personnes aimées,
Les paysages et les voyages admirés,
Nos angoisses et nos désirs,
L’ensemble entier de nos souvenirs
Sont libérés de leur existence
Dispersée dans nos esprits
Et réunis sous un seul nom : Patrie.
Mais si les fragments sont unis
Par des forces d’autrui
Et prennent une dimension collective,
Le jeu des couleurs
Ne s’adapte plus au spectateur,
Mais rejoint la palette définie
De drapeaux et de nationalités
Et les lignes des frontières dessinées.
La danse fragile des fragments
Gagne désormais en solidité
Et suit le rythme ordonné
Par la volonté d’une identité prétendue.
Cependant elle ignore la litanie
De ses victimes muettes,
Jouant les notes les plus faibles
Dans un concert qui réunit
Toute la joie et le bonheur,
Toute la misère et l’horreur
Qui peuvent être provoqués
Par une idée,
Formée de six lettres : Patrie.
Copyright Sophie Modert 2018